rien de nouveau!

« Regarde ! Tu peux pas repartir comme ça… »

Me disait-il en passant sa main sur ma joue, doucement, ramassant les larmes molles qui coulaient. Je savais qu’il ne me laisserait pas repartir, j’attendais qu’il se décide. J’essayais de trouver en moi la force de raisonner, la force de partir seule. Je devais en être incapable.

Il hésitait.

Il essayait sans doute de se dire que c’était un cas de force majeur qui n’engageait à rien, qu’il se devait de m’aider. Il viendrait avec moi sûrement, la culpabilité de me regarder partir dans cet état serait plus forte que sa raison, plus forte que cette voix qui voulait le convaincre de ne pas le faire.

Nous restions là dans le hall du métro de la gare, à onze heures passée, et pas un chat aux alentours.

Je reniflais contre le cuir de sa veste et il caressait mes cheveux appuyant ma tète contre son torse. J’avais oublié comme j’étais petite contre lui et comme il me protégeait sans rien dire.

Il avait l’air calme lui. Comment faisait il ? Il tenait dans ses bras la meuf qui l’avait largué sans explication, et il lui caressait la tète gentiment. Aurais-je eu conscience de ce que je lui faisais endurer ? À quoi pensait il ?

« Je la raccompagne ? » « Qu’est ce qu’il va se passer ? » « Faut mieux pas » « mais j’peux pas la laisser pleurer sans rien faire ? » « Elle m’explique pas » « j’peux rien faire » « mais faut faire quelque chose »

Il avait du se répéter depuis trois semaine qu’il fallait s’éloigner, et je me collais à lui. Tout devait s’entrechoquer dans son crâne…pourtant il restait serein, doux, rassurant. Ses grands yeux bleus se plongeaient dans les miens, dans mes yeux rouges hagards et trempés et il me souriait.

« Qu’est ce que tu veux que je fasse ? Dis moi…. »

« je….sais….pas »

« Je vais te ramener chez toi. Calme toi. »

Il n’y aurait plus de métro pour qu’il rentre. Je pensais qu’il décidait implicitement de rester dormir chez moi. Je me blâmais d’être si lâche, il devait espérer, c’était nul…J’avais beau être paumée je n’avais pas le droit de lui faire encore du mal, je devais prendre sur moi et j’en étais incapable.

Je reniflais.

Quand on est arrivé dans ma chambre il s’est assis sur mon lit. Je ne disais toujours rien mais sa présence me rassurait. J’arrivais a me calmer, mais dès que je reprenais conscience de la situation je me remettais à pleurer de plus belle.

« Viens là ma belle, allonge toi, viens »

Il m’a attiré vers le lit en prenant ma main, je hoquetais pitoyablement, et il me berçait presque de paroles douces. Je me calmais lentement et refondais en larmes dès que mon cerveau se connectait. C’était comme des courts circuits dans ma tète, des étincelles qui me replaçaient dans le contexte. Je réalisais soudain : lui et moi, des souvenirs, sa main sur ma joue, ses paroles, sa présence, tout ça m’échappait et je l’avais décidé. Tout ce à quoi il pensait c’était me calmer, il avait oublié que depuis ce matin il était malade comme un chien et qu’il avait failli rentrer, qu’il avait mal à la tète et qu’il était crevé. Il était là et j’allais presque bien.

Il a replacé l’oreiller sous ma tète, et il me regardait sans parler assis sur le bord du lit.

Je respirais fort, mes larmes continuaient de couler, je ne m’en rendais plus compte. Il les essuyait au fur et à mesure

« tu te vides de ton eau…je crois que tu te dessèches » disait il en souriant espérant me faire rire.

Il me caressait toujours le front, les joues, laissait posée sa main contre mon oreille, sa grande main qui prenait tout mon visage, caressait mes cheveux, et tout doucement, mon corps se détendait…je m’assoupissais une seconde et clic, tout le film repassait sous mes yeux et je pleurais.

Il ne soupirait pas, il continuait de me caresser la joue sans faillir, en luttant contre le sommeil,  m’embrassait le front en disant « chuuut….chuuut…. ».

Je devenais légère pendant une seconde, comme on berce un bébé, j’oubliais lentement :

« Là…ça va. Chut…respire mon ange, repose toi…ma belle »

Et ainsi de suite. Deux heure du mat, il tenait ma main en me regardant depuis deux heures, en suivant le rythme de ma respiration comme si j’étais malade, désespérant de me voir m’endormir. Il s’était peu à peu vautré en travers du lit, la tète posée dans sa main. Je dormais presque mais je voulais le savoir avec moi, je refusais de m’endormir.

J’ai ouvert les yeux. Il a sourit en soupirant « tu veux vraiment pas dormir hein ? Tu veux que je meurs là dans ta chambre »

J’ai souris « non » en ravalant une larme.

« Mathilde…ma Mathilde…je serais encore là quand tu vas te réveiller, et chaque fois que tu iras mal. Dis moi, parle moi. S’il te plait. Ou si tu ne veux pas me dire, dis le à Julie, à ta mère, au Pape, n’importe qui mais ne garde pas ça pour toi…s’il te plait »

J’avais fermé les yeux et je l’écoutais parler en m’auto-lapidant mentalement. Mais je me laissais bercer par sa voix. Quoi qu’il dise, quand il parlait j’oubliais.

« Tu sais, au début j’espérais que tu souffres. Vraiment je voulais que tu souffres autant que moi. Et puis depuis que je t’ai vu vendredi je regrette, non, ça me fait encore plus mal. Finalement je préférerai que tu sortes avec n’importe qui, même Ton Nico, que tu me dises n’importe quoi si je te savais heureuse. Ça ne me soulage pas de te savoir si mal, c’est pire. »

Comment peut on regarder pleurer la fille qu’on aime et qui vient de nous larguer sans explication, peut être, on s’en doute pour un autre mec. La consoler comme ça. Où trouve-t-il cette force ? La force de dire ça, et de le penser ?

« Tu as peur ? Tu as peur de quoi ? Je ne sais pas quoi te dire, tu pleures et je ne peux pas t’aider, tu ne parles pas, tu ne m’expliques pas…tu es un livre, fermé, avec une clef…un cadenas…dans un coffre…avec une chaîne…dans une banque…suisse. »

J’ai rigolé. Il a soupiré…

« Ah enfin »

Et je me suis remise à pleurer de plus belle. Alors il m’a tiré dans ses bras, m’a serré fort. Il me balançait d’avant en arrière comme un bébé en m’embrassant sur la joue.

« chuuut…Math je t’en pris…arrête toi… »

Des fois je sentais ses larmes dans mon cou mais jamais sa voix n’a flanché. Mes neurones ne répondaient plus, et chaque idée qui me traversait l’esprit m’éclaboussait d’angoisse. J’étais si bien avec lui, c’était tellement compliqué. J’aurai pu être heureuse longtemps avec lui comme l’année dernière, rien ne pouvait troubler ça jusqu’à ce qu’IL revienne. C’était inévitable, j’avais tout enfoui, mais rien n’était effacé.

Je réfléchissais et pendant quelques secondes j’avais l’air de m’endormir.

« Tu es bien là ? »

Je ne répondais pas. J’étais bien avec lui…mais tout ça était éphémère.

«  Tu ne me perdras jamais Math, quoiqu’il arrive »

Je m’étouffais dans mes pleurs. Si je te perdrais…parce que je suis conne…parce que je suis faible…mazo, que la vie reprend ce qu’elle t’offre toujours…que le bonheur ne dure pas…même le plus beau.

« Je serais jamais aussi heureux que je l’ai été avec toi. Tu es tout ce que je voulais, je suis tellement fier d’avoir été avec toi et que tu aies pu m’aimer que je ne regrette pas…regarde on est plus ensemble mais je suis là, n’aie pas peur, Math…arrête de pleurer, je sais pas ce que tu as…ma puce, je t’aimerai toute ma vie…je ne veux pas que tu souffres, notre histoire était magique, hein c’est vrai ? On peut rien regretter…tu es jeune, si tu as cassé c’est que ça n’allait pas. C’est dur mais ça va passer. Regarde moi, ouvre tes yeux, dis le moi…ça va aller. »

Je ne supportais pas de l’entendre conclure notre histoire…et pourtant il avait raison…je m’étais forcée à le désaimer pour trouver la force de le quitter. Me forcer à lui trouver des défauts pour le quitter. Mais j’étais tétanisée à l’idée de faire une erreur. Me forcer à rejeter ce bonheur, pour un idéal illusoire et superficiel…Nico aurait du être en carton...la force d’une idée contre la vie elle-même.

J’étais conne au plus haut point, et complètement paumée.

Jusqu’à quatre heures du mat il m’a bercé de ses mots, des silences des caresses. Et puis il s’est allongé par terre devant mon lit, sans lâcher ma main.

Je me suis endormie. J’étais bien.

Quand je me réveillais soudain, mes idées se connectaient, je paniquais et je réalisais soudain qu’il était là, par terre. J’ai senti sa main…

« Edouard, dors pas par terre ! Viens à coté de moi, t’inquiète pas. »

« Non, ça va, t’inquiète. »

Alors il est venu dormir à coté de moi. En reprenant ma main.