rien de nouveau!

Entre son piano et ses écrits, on ressent sa musique à travers son joueb.

On la ressent mais on la connaît pas. Faut l’entendre, le voir pour le croire. Non c’est pas des minauderies de gamine, des ding dong sur un clavier pour se prendre pour une star, d’ailleurs une vraie star ne se sent pas star. Dine c’est l’artiste exacerbée, et paradoxalement, on le ressent pas directement à son contact.

Elle a raison.

Son piano, il me faisait presque peur, parce qu’il avait l’air d’un temple qu’elle seule pouvait ouvrir.

Son piano n’aime qu’elle et vise versa…

J’adore les pianos, et qu’importe son proprio, quand j’en vois un je peux pas m’empêcher d’aller aligner quelques notes, juste pour voir…

Je suis pas pianiste, j’aime les pianos, grosse différence.

Et puis le soir de mon arrivée, elle se pose devant, organise son binz, et commence à jouer quelques airs. Jusque là, c’est du piano…Et puis elle monte le micro, organise son camping improvisé avec des rouleaux et des partitions…qu’est ce qui va se passer ?

« AoOh…oOmm… »

Elle teste, j’ai le trac à sa place, je pourrai pas faire ça, chanter devant des gens, normal...j’sais pas chanter ! Mais quand elle a entamé sa chanson, dans le noir, le silence, avec le casque sur les oreilles, ca m’a plongé ailleurs. J’dis pas ça parce que j’ai été impressionnée, ça c’était obligé…ni même pour la flatter outre mesure, elle en a pas besoin, elle sait ce qu’elle vaut. Je dis ca que j’ai ressenti. C’est tout ce qui compte, l’essentiel…

Quand elle vendra des millions de disques, quelle importance ce que j’aurai ressenti…

C’est seulement ma chance.

Je m’enfonçais dans ma chaise, je penchais vers la gauche, je regardais ses doigts se balader, j’arrivais pas à garder les yeux fermés trop longtemps…je voyais l’image, la pochette de l’album. A chaque mouvement mon esprit faisait clic... La lumière verte, le reflet sur son ombre, et moi qui aurait voulu me fondre dans l’obscurité de la pièce, pour faire partie des meubles et écouter en spectateur inexistant. Ca aurait été le privilège idéal, écouter sans qu’elle sache que je sois là, sans qu’elle sente une oreille après chaque note, qu’elle ne joue que pour elle même. Mais, chaque grand artiste a peut être vécu ça un jour, d’abord jouer devant ses parents, puis devant ses amis avant de jouer devant un public inconnu… J’imaginais que mon passage éclair ferait parti de son histoire…

C’était peut être la fatigue.

Pendant tout mon séjour je l’ai écouté et chaque fois c’était pareil. Je saurais pas décrire sa voix, parce que j’ai enregistré la sensation, c’est tout. C’est ça qui fait que chaque fois je ressentirai la même parce que impossible de s’y habituer.

Entre chaque morceau, il y’avait un silence. Impossible de lui dire quoique ce soit. Je faisais un petit bruit, pour dire que je dormais pas…que j’écoutais, mais ca aurait été ridicule de parler…elle le savait, elle attendait pas de compliments, ni rien. Alors je me taisais.

Elle donne l’impression de pouvoir tout jouer, à partir du moment ou elle ressent la musique, elle sait l’interpréter. Interpréter, il n’y a pas de terme plus juste, on dirait que je répète ce que les critiques de Thierry collaient à chaque interview, nan, ça a rien à voir. Elle m’a joué du Muse, et j’avais même du mal à reconnaître. Quand je lui ai demandé « c’est quoi ? » elle a du se sentir blasée, mais nan c’était un compliment, comme si elle se payait sa propre chanson signé Matt. Elle jouait la partition, elle chantait les paroles, mais c’était autre chose. Je lui ai dit qu’elle pourrait taper le duo avec Matthew, au fond j’le pensais vraiment, ça serait la classe, ces deux voix ensemble…c’est en des choses incroyables qu’il faut croire. J’ai déjà connu des choses plus incroyables.

Allongée sur le canapé, j’avais une drôle de sensation. Je fermais les yeux, j’imaginais un casque sur mes oreilles et un album dans mon disc man. A la fois j’étais fière d’être à coté d’elle, comme si dans mon esprit c’était déjà une star. Y’a vraiment besoin d’être encensé par les médias et reconnu par tous pour être une star ? Je dis star parce que c’est le terme, les artistes trouvent ça péjoratifs, on dit que ca sonne arriviste et prétentieux, ca sonne hollywoodien, je sais pas « ah ouai nan euuh moi j’veux pas être star j’veux être artiste ». Mais être artiste ça se commande pas couillon, achète toi déjà un cerveau avant de prétendre avoir du talent.  Moi j’l’entend pas dans ce sens, plutôt comme l’artiste qui a eu la chance de tomber au bon endroit au bon moment et qui s’est fait connaître, celui qui fait rêver, qui fait grandir quelques chose au fond de chacun.

Dine c'est déja une artiste, qu'elle soit star voudrait dire que d'autre personne que moi pourraient écouter sa musique. Et puis elle a de la chance, je crois en l’avenir, et en le sien surtout. Comment est ce que ça pourrait rester dans l’ombre un truc pareil ?

A coté de sa mère, j’aurais voulu voir ma fille sur ce piano, j’avais des coups de chaud au cœur, juste en regardant la scène. Elle a du me prendre pour un touriste chinois tombé dans son salon avec mon appareil…j’aurais voulu pouvoir montrer ça à la terre entière. Mais la technologie c’est trop petit encore, ca sonnait moche, j’avais honte pour l’appareil de pas reconnaître cette musique à sa juste valeur.

Sa façon de bouger, sa personnalité. Y’a des gens avec qui on se sent mal à l’aise au premier abord. Moi surtout j’ai la capacité de me sentir mal à l’aise avec tout et n’importe où. Pendant quatre jours les seuls moments où j’ai été mal à l’aise c’est quand elle disparaissait.

Dine c’est déjà une star, y’a qu’à voir ce qu’elle dégage rien qu’à l’écrit. Les gens la décrète star sans même savoir qui elle est.

Je suis tombée sur ses fantaisies il y’a deux ans. Je savais pas qui c’étais cette fille avec sa cuillère, je l’avais automatiquement assimilé à Audrey Tautou. Forcément, derrière chacun de ses articles aussi minuscules qu’ils soient y’avait une quinzaine de commentaires plus emphatiques les un que les autres « troooo marrant !! MDRRR dine ! la suiiiteee »

Bon, question originalité et finesse de commentaire fallait pas trop en demander, mais rien que l’attention des gens c’était pas gratuit ! …elle cultivait le mystère. Quand elle parle de son « mystère Maro » ca me fait doucement sourire, aussi mystérieux qu’il soit ce gars, elle a pas grand chose à lui envier. J’arrive à comprendre la situation maintenant que je la connais mieux, mais entrer dans son univers c’est entrer en terrain miné. Et le pire c’est qu’elle peut pas savoir ça, on a jamais conscience de sa propre image. Elle nous colle à la peau, et on ne peut qu’en capter quelques brides face aux réactions des autres. Elle sait en jouer parce qu’elle est fine et sait réagir aux autres.

Moi pendant longtemps j’en étais resté à fantaisyland. J’aime écrire. Mais écrire c’est comme chanter danser, faire de la musique, peindre ou dessiner…faut le talent. Et ca Dine l’avait, je ne l’avais pas.

Y’avait une masse de vagues copies de son style dans les fantaisies, entre Dine et Poupoule, le club était fermé. J’avais pas l’espoir d’être pote avec elles, pas assez confiance en moi, mais pouvoir écrire mes fant à moi, sans rien attendre ça me branchait, et puis si ca m’amusait ? Quand je relis ça, je vois direct l’influence de ce que je lisais, ca transpire le Dinestyle. J’ai fais quelques tentative, j’ai parsemé le forum de quelques intervention. Mais le jour ou j’ai fais ma présentation et que je suis tombée sur un message de Dine, je suis restée sur le cul. Etrange d’être fière de ca. Dine si tu vois ca, te marre pas, je fais que dire la vérité, aussi curieux que ca puisse être. Je me suis dit « tiens elle a raison, on se ressemblerait presque ». Objectivement peut être, mais nan, j’avais beau réunir toute les similitudes de nos CV, j’pouvais pas admettre avoir une quelconque ressemblance avec elle. Je la voyais comme le genre de fille qui traverse une cour de récrée avec la foule des courtisans derrière, les gens qui se retourne sur son passage et cette classe qui la rend unique.

Puis elle m’a passé son adresse msn : l’adresse caractéristique de l’impression qu’elle faisait, « cette adresse ne reflète en rien ce que je suis » ouai c’est ca Dine, la modestie avant tout.

Au début c’est comme si je parlais à Matthew (j’emplois ses références pour qu’elle voit bien de quoi je parle) j’utilisais des réponses brèves et concises, pour pas prendre de risques. Et puis finalement « be yourself » résonnait dans ma tète, c’est pas en essayant d’être quelqu’un d’autre que j’allais attirer son attention. Alors je l’ai laissé parler, j’ai réagis comme si c’était ma pote, et je me suis rendu compte qu’elle avait raison, c’était pas une extraterrestre, et on se ressemblait peut être plus que je l’aurais cru. Les mêmes centres d’intérêts, le même genre de vie quotidienne, le lycée, les mecs, mais qu’est ce que je croyais ? Elle se prenait pas à la haute, c’est moi qui la mettait plus haut que moi. J’essayais de pas lui montrer trop que je connaissais toutes ses fantaisies par cœur de les relire trois fois par jour…mais même en essayant de prendre du recul pour ne pas devenir un clone médiocre, c’était trop tard, relire ses textes à force ça avait touché ma personnalité. C’est comme ça qu’on grandi, on rencontre des gens qui en valent plus la peine que d’autres, et petit a petit j’ai compris qu’il ne fallait pas que je me rabaisse à coté d’elle, mais plutôt que je tire  des leçons de l’influence qu’elle avait sur moi, les leçons qui s’imposaient d’elle même. Il y’a tellement de gens qui nous tire vers le bas tous les jours, quand on a la chance de tomber sur des gens plus intéressants, il faut savoir en profiter. Plus le temps passait, et plus je prenais plaisir à discuter avec elle. En général c’est moi qui raconte ma vie aux gens, là c’est elle qui me racontait sa vie. Ca me faisait plaisir de sortir du fictif un peu pour savoir qui se cachait derrière les personnages.

Et de temps en temps elle m’envoyait des textes qu’elle publiait ailleurs, sur un blog perso…j’y avais pas accès. Faut pas rêver non plus, j’suis pas sa sœur ni sa meilleure amie, j’allais pas lui demander son numéro de tel non plus. Elle m’avais dit « même mes potes ont pas l’adresse » aucun indices, jusqu'à ce que le hasard s’en mêle...

Un jour la forteresse est assaillie, jetez les bouées de sauvetages, elle doit fermer son blog, alors elle prend ce qui est encore récupérable, et puisque ça n’a plus d’importance elle me file l’adresse. Beaucoup trop long pour que je puisse passer nuit et jours dessus. Qu’à cela ne tienne, j’y allais doucement mais surement, étonnée qu’elle me demande régulièrement si j’avais eu le temps d’y aller. En mauvaise fan j’avais jamais le temps. Mais maintenant j’avais matière à discussion. J’avais découvert de nouveaux personnages, je me plongeais dans le monde de Dine, j’imaginais des gens, leurs visages, j’aurais pu écrire des masses de scénarios…

C’est facile à comprendre au fond. L’intérêt plus ou moins important des gens pour un livre ou un film en particulier dépend uniquement de la capacité d’identification du public au film en question. Y’a qu’à voir les études de marché monstrueuses qui servent à chaque nouveau projet.

Comment est ce que je pourrais m’identifier à un film moyenâgeux ou à un roman de science fiction ? Y’a des gens qui adhèrent, moi j’aime le réalisme, j’ai besoin d’imaginer ma vie…et celle qui se dégageait des articles de Dine était en phase avec mes rêves a moi.

Le soir, quand j’étais malade, déprimée, je pensais a elle, « Mathilde tu fais pitié ! Regarde Dine, elle déprime pas elle ! » J’imaginais ce que je serais si j’étais elle. Je voulais être tous sauf moi. A quoi on s’identifie en général ? Aux stars….

Dine c’était ma star. Normal. Moi je m’identifie pas aux strass et paillettes…je m’identifie à quelqu’un qui a tout ce que j’aurais voulu avoir, qui vit quelque chose de proche de moi…en mieux…

Forcément, dans les rêves c’est toujours mieux.

Et puis voilà…maintenant je l’ai rencontré. La star que j’avais en tète a pris forme, un visage, et une voix. L’admiration que j’ai pour elle n’a fait qu’augmenter au fur et à mesure que je découvrais qui elle était. C’était pas long, mais juste suffisant pour que je grandisse, je tire les fameuses leçons de toutes mes expériences. Le puzzle dans mon esprit se constitue petit à petit. Y’a des expériences plus enrichissantes que d’autres.

Voilà ma Dine, tu voulais que j’alimente mon joueb. Quel est l’intérêt de décrire chaque détail, les bouteilles de champoing sur le bord de la douche et les grains de sable sur la plage….

De toute façon ne t’y trompe pas, je retiens tout….mais quitte à laisser une trace écrite, autant s’en tenir à l’essentiel. Mon esprit lui se rappelle même du bonhomme de carrefour que j’ai assassiné, excuse moi encore, de la pyramide d’Egypte, de la grand mère sur la pochette du CD de Java, de la cuisine vietnamienne de ta maman, des cadavres exquis, du petit chien, de Dali, des photos de ton enfance sur le mur de la cuisine, des tickets de métro, des soutifs derrière la porte, de Hoda et Grégory sur le magazine des chiottes, de la bouteille Lancôme, de tic ou tac sur l’étagère au dessus de ton lit, plein d’autres choses….